Les métropoles mondiales sont-elles prêtes pour l’IA ?

LE CERCLE – Un index a mesuré le degré de préparation à l’intelligence artificielle de 105 villes dans le monde. Aucune n’est préparée à 100 %, analysent Anne Pruvot et Xavier Ruaux du cabinet Oliver Wyman. Certaines, comme Paris, possèdent de sérieux atouts.

La nouvelle Commission européenne d’Ursula von der Leyen crée un certain nombre de premières. Ainsi Margrethe Vestager hérite, en tant que vice-présidente, d’un portefeuille large incluant son périmètre précédent (Concurrence),  sous le libellé « Europe fit for digital age ».

Cette question de la préparation à l’ère digitale ne se pose pas qu’à l’échelle des institutions européennes. A l’heure des batailles entre Paris, Amsterdam et Francfort pour récupérer les sièges de grandes institutions financières quittant le Royaume-Uni pour cause de Brexit, ou de l’appel d’offres pour le deuxième siège d’Amazon aux Etats-Unis, et à l’approche des prochaines élections municipales en France, les grandes villes ont bien pris conscience qu’elles ont un rôle clef à jouer pour préparer leur territoire, leur population et leur cadre réglementaire au déploiement à venir des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, aux nouveaux usages et aux nouveaux modèles économiques (comme la « gig economy » ou économie de la pige) introduits par l’ère du digital.

Quatre critères

C’est dans ce contexte qu’Oliver Wyman a mis au point un index mesurant le degré de préparation de 105 villes dans le monde au travers de quatre dimensions distinctives.

En premier lieu, y a-t-il une vision développée, l’état d’esprit requis pour s’adapter à cette nouvelle donne ? Conséquence ou non d’une vision ambitieuse, les Parisiens apparaissent confiants dans la nature des impacts induits par la vague intelligence artificielle/machine learning dans les vingt prochaines années. Avec 48 % d’avis d’impact positif ou très positif, Paris est plus proche de métropoles asiatiques comme Séoul (57 %) que de ses cousines européennes comme Berlin ou Londres (31 % toutes les deux) ou même américaines comme Boston (33 %).

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Définir des priorités ambitieuses en la matière n’est rien sans la capacité à exécuter, deuxième dimension distinctive. Il s’agit ici probablement d’un des points forts de la place de Paris grâce à des caractéristiques démographiques et un environnement universitaire et culturel extrêmement favorables, parmi les meilleures des villes étudiées. Se doter d’un dispositif réglementaire prenant en compte les nouvelles réalités technologiques en fait également partie. Ainsi en va-t-il de San Francisco qui, en mai dernier, a interdit aux services municipaux et de police l’usage des technologies de reconnaissance faciale.

La capacité à exécuter est décuplée par la qualité des actifs et infrastructures existantes dans ce domaine et la concentration des leviers d’accompagnement (financement, réseau d’entrepreneurs, etc.). A cet égard, il n’est pas surprenant que, parmi  la liste du NEXT 40 dévoilée la semaine dernière, 29 sociétés aient leur siège à Paris, six en région parisienne et les autres aux abords des grandes villes françaises (OVH et VadeSecure à Lille, Klaxoon à Rennes, iAdvize à Nantes et Sigfox à Toulouse).

Enfin, comprendre la nature de la trajectoire existante de la ville est la quatrième composante essentielle.

Bilan

La plupart des 105 villes étudiées n’excellent, au mieux, que pour une ou deux dimensions, jamais les quatre. Singapour et Dubaï ont développé des « roadmaps » stratégiques détaillées sur leur place dans un monde fortement transformé par les technologies. Les administrations des grandes villes européennes, comme Stockholm, trustent le podium pour leur capacité à exécuter.

Paris, Londres ou New York disposent de la combinaison gagnante des meilleurs talents/employeurs/institutions académiques. Les villes asiatiques comme Hangzhou ou Shenzen sont focalisées sur leur réussite dans un monde dominé par les technologies et l’IA, avec une trajectoire rapide.

Paris a beaucoup d’atouts pour rester parmi les villes leaders ; tout l’enjeu réside dans sa capacité à se mettre à niveau pour relever les défis d’un déploiement accéléré de l’IA (la quatrième dimension de notre index). Les élections municipales et régionales qui s’annoncent devront impérativement le prendre en compte.

Anne Pruvot et Xavier Ruaux sont « partners » au cabinet Oliver Wyman.

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